L’enfant à l’école des névrosés

Cela fait des années que je me désole des conditions d’apprentissage des enfants, lorsqu’ils arrivent à l’école. Je suis également révoltée par le massacre qu’il est fait du métier d’enseignant et de sa dévalorisation, alors que c’est, selon moi, l’un des métiers les plus importants (et plus beaux) de notre société.

Je vais sans doute au cours de cet article, proférer de fausses affirmations. Elles ne sont pas fausses, juste non nuancées, car elles ne s’appliquent pas à tout le monde. Mais ce sont des constats que j’ai relevés au sein de notre société, alors si ça peut réveiller des consciences, allons-y gaiement.

 

À l’école, l’enfant doit grandir vite. J’ai été sidérée, il y a quelques années, de trouver des cahiers de vacances pour la toute petite section de maternelle des 2-3 ans. Certains trouveront ça innocent, on ne leur demande pas de résoudre des équations à deux inconnues non plus. Cependant ça veut bien dire que la société est en train de mettre le grappin sur des mioches qui ont juste envie de colorier en dépassant. Laissez-leur la paix avant de leur coller des consignes et des notes.
Pour l’anecdote, l’une de mes maîtresses avait signifié sur l’un de mes bulletins de maternelle que je manquais de maturité. C’est anecdotique. Grotesque. Peut-être que ça n’est arrivé qu’à moi. Ca se mesure la maturité ? Et est-ce qu’on a pas le droit d’être gosse ? Vous diriez ça, à un petit de cinq ans qui pleure/boude/finit pas son assiette, qu’il manque de maturité ? Je trouve ça grave, parce que ça veut dire qu’on est déjà poussés à devenir des adultes, alors que ça n’a pas lieu d’être. (Quand on sort à un ado/jeune adulte « grandis un peu », c’est pas la même chose, mais à un enfant, ça n’a pas de sens)

À l’école, l’enfant n’a pas droit à l’erreur. L’élitisme a le vent en poupe et balaye sur son passage des principes fondamentaux. J’ai entendu une fois l’histoire d’une petite de six ans qui était déjà stressée par l’école et par le fait de ramener des bonnes notes à la maison. J’ai aussi entendu l’histoire de cette mère qui demande les notes de ses gamines, à peine rentrée du boulot. Le système nous note, nous formate, nous éjecte lorsqu’on ne lui convient plus, et il faut qu’en plus on s’en reprenne plein la gueule à la maison. En haut de notre société, je vois le mot « réussite« , qui clignote en grand. Le Graal. Cette quête qu’on insuffle dans les têtes des enfants à coups de « redoublements », « orientation professionnelle », « meilleure filière », « meilleurs choix », « meilleures notes » … et dans certains cas, notes les plus salées d’anti-dépresseurs.

À l’école, on y voit beaucoup de parents. Et oui. Certains gosses se retrouvent emprisonnés dans des diktats familiaux qui, bien souvent, ne leur laissent pas vraiment de marge de manœuvre. On parie combien que vous avez croisé des parents stressés pour leur progéniture ? J’en connais une qui s’interdit de partir en vacances au cas où son fils aurait un contrôle. Non mais vous vous rendez compte de cette aliénation. Et vous trouvez ça normal de reporter ses désirs sur ses enfants ? Dieu merci, ma mère ne m’a jamais forcée à faire quoi que ce soit, elle m’a beaucoup accompagnée parce que je ne me consacrais pas aux études, jusqu’à ce que je puisse m’en dépatouiller seule et avancer vers mon avenir. Elle a aussi stressé à essayer de me faire remonter mes notes, donc mon ressenti personnel et mon état psychologique sont passés après mes bulletins scolaires. Elle voulait que sa gamine ait un avenir, alors elle n’a pu que fonctionner comme à l’école, à regarder les notes.

« Les fruits ne sont pas pour l’arbre. Il faut se débarrasser d’un sentiment de propriété à l’égard de notre descendance (…) Nous estimons, avoir un droit de décision sur les études de nos enfants, sur leurs orientations professionnelles (…) Et s’ils résistent, s’ils s’éloignent, nous avons tôt fait de leur présenter la note de tous les sacrifices que nous avons accompli pour eux – sacrifices qu’entre parenthèses ils n’avaient pas demandés. (…) Ils ne nous doivent rien. » – Etienne Jalenques

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