Ca aurait pu être moi

Ce vendredi 13 novembre me fait sensiblement ouvrir les yeux sur notre humanité. Notre proximité. Ce lien, bien qu’on n’y prête pas attention, se plaît à nous réunir. Nous sommes, avant tout, des humains au sens stricte du terme. Chacun effectue son voyage chez les vivants, naissant du néant pour ensuite y retourner. Chacun vit, respire, meurt, et c’est comme ça.
Chacun créé son propre voyage, sa propre empreinte, que nulle autre personne ne peut lui substituer. Chacun est unique dans sa façon de penser, de ressentir les choses, de rire. Chacun apporte une infinie richesse à d’autres chacuns qui bâtissent une multitude de mondes différents. 
Chacun représente un monde pour chacun, que ce soit un parent, un ami, un collègue. Chacun appose sa signature, presque plus significative que l’ombre qui nous court tous après.

Je me suis surprise par le passé à me demander quelle était l’histoire de mes voisins de métro, ou de mes voisins de café. Qu’est-ce que ce monsieur a vu dans sa vie ? Qu’est-ce que cette dame a pu faire d’extraordinaire dans sa vie ? Quand il se marre, lui, ça donne quoi ? Tous ces gens sont des petits mystères, comme des étoiles qu’on scrute l’oeil vissé au téléscope. Il faut bien avouer que j’ai aussi passé pas mal de temps à maugréer dans les transports contre des gens portant des gros sacs, contre des gamins mal élevés, contre des généreux du téléphone qui te font un envoyé spécial de leur dernier week-end alors que tout le monde s’en fout … la liste serait longue, sans parler des rencontres franchement désagréables que les femmes subissent dans ces moments-là. Et ben tous ces gens, figurez-vous qu’ils sont aussi humains que vous, que ça leur arrive d’être triste, d’être malade, d’être heureux. Et ça, c’est le coche d’humanité qu’ont raté les terroristes, visiblement.

Les attentats de ce vendredi m’ont fait réaliser deux choses : la plus pénible, c’est qu’en France, rien ne va plus de soi. Avant, les autres prenaient et on suivait les évolutions devant nos télévisions. Ca faisait partie du quotidien, oui, les massacres au Moyen-Orient c’est tous les jours; les Israéliens et les Palestiniens semblent ne jamais pouvoir s’arrêter, et là, d’un coup, c’est à dix stations de métro de chez toi. Bam, sans prévenir, bien que l’état de vigilence soit toujours présent depuis Charlie Hebdo. Et là aussi, c’est dur à réaliser, parce que la télévision fait écran, ne nous connecte pas vraiment avec la réalité. On a beau nous dire qu’Hollande est évacué en urgence du Stade de France et que ça tire en continu dans les Xe et XIe arrondissements, on n’y croit pas. C’est une remake d’un attentat en Syrie. Et puis en fait, ça c’est réellement passé, les sirènes n’arrêtent pas, les hélicos survolent frénétiquement la capitale, le bilan s’alourdit inexorablement.
Et finalement, le bordel, c’est chez toi. La prise d’otage, c’est dans une salle de concert où tu t’es déjà rendue. Le Stade de France ? Tu passes en tram devant tous les jours pour aller à la fac. Quant aux bars, tu en fréquentais justement un il y a exactement une semaine avec ton meilleur ami, sur une grande avenue du XIIIe. Ca aurait pu se passer là. Se passer n’importe où et n’importe quand. Toi, t’as eu chaud au cul et tes proches aussi. Toi, comme tous les autres, tu ne vois plus le quotidien comme avant. 

Cela m’amène à la deuxième chose que ce massacre sans nom me fait réaliser : que je les aime vraiment beaucoup, tous. Tous ces chacuns qui m’apportent énormément dans ma vie. Toutes ces étoiles qui ont bien voulu former des constellations avec moi et créer de nouveaux mondes. N’oubliez pas qu’on est tous le miracle de la vie de quelqu’un. L’amour qu’on se porte mutuellement, c’est ça qui nous rend plus puissants, vulnérables peut-être, mais je crois que vivre avec des failles est une force.

Ca aurait donc pu être moi, mais je vous aime.

ca aurait pu être moi

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